Le 16 mars 2018
Par Gwenaël Le Guevel
Avec l’aide d’Eric Verdier, un petit groupe impulsé par Max Tchung-Ming qui avait commencé une expérience similaire à Evry, a décidé de se lancer dans l’expérimentation des Sentinelles et Référents pour prévenir et lutter contre le harcèlement scolaire au collège Chantenay de Nantes.
Nous avons commencé par une sensibilisation des délégués de classe par niveau et par quelques interventions lors de “gestions de crise” en heure de vie de classe.
Puis l’infirmière, le CPE, le principal adjoint et un enseignant ont sélectionné un groupe d’élèves pour leur proposer d’entrer dans l’aventure et de constituer un groupe capable de repérer les situations de harcèlement et plus largement de boucs émissaires et d’agir en conséquence. Le critère principal étant que ces élèves aient une personnalité assez forte pour s’extraire des phénomènes de groupe et les mettre à distance.
Une formation de deux jours
Nous les avons donc invités à suivre une formation de deux jours. Tous nos regroupements commençaient par un « pow wow » : un rappel du cadre non négociable qui permet de sécuriser les interventions de chacun.
Quatre principes intangibles : la confidentialité, le tutoiement, le non-jugement et la liberté de participation. Le contrat de départ était explicite : deux jours de formation et chacun se prononce à l’issue sur sa volonté de poursuivre ou non. Le contenu de la formation se répartit principalement en deux étapes :
- découvrir et apprendre à repérer les mécanismes de bouc émissaire
- comment intervenir ?
Pour la première partie, notre objectif était principalement de faire prendre conscience aux élèves du rôle crucial des spectateurs passifs dans les situations de boucs émissaires. Pour cela nous avons commencé en partant de courtes vidéos sur le sujet. Une discussion s’en est suivie en partant de la question : qui sont les protagonistes ? Nous avons ainsi fait émerger le schéma des rôles interchangeables que tout le monde peut prendre dans les situations de harcèlement et/ou d’ostracisme.
Ce schéma devient alors une grille de lecture commune à laquelle nous nous réfèrerons régulièrement.
Nous sommes ensuite passés au jeu du loup-garou. Un jeu qui permet de montrer la force qu’un groupe peut exercer sur l’individu. On vit pendant ce jeu différents phénomènes comme la désignation d’un bouc émissaire, le changement complet de l’avis du groupe en suivant l’avis d’un leader, le sentiment d’impuissance face à l’injustice et le poids du groupe, etc.
Cela nous a permis de mettre en lumière le poids des spectateurs passifs, encore appelés normopathes (le poids de la norme parle beaucoup aux adolescents). Après avoir protégé la victime, ce sera donc d’abord à eux que nous devrons nous adresser en cas d’intervention dans une heure de vie de classe ou autre, évitant ainsi le risque d’être désignés comme « les balances » de l’établissement.
Nous avons eu et nous avons encore à faire face à ce phénomène mais nous faisons l’hypothèse que c’est en multipliant les interventions et formations entre élèves qu’ils pourront mieux comprendre les différents types d’interactions sociales dans lesquelles ils sont impliqués et apprendre à mieux les gérer. La notion d’aide assistance à personne en danger peut ainsi progressivement « prendre la place de ».
Témoignage d’une enseignante référente
« Ce dispositif m’a apporté beaucoup, m’a permis de mettre des mots sur des pratiques que je faisais par intuition. Là où je suis heureuse c’est que ce dispositif prend en compte le temps en-dehors des cours, le temps de vie scolaire (self, récréations, etc.). Sur ces moments je me sentais dans l’incapacité d’agir sauf si les élèves restaient discuter en classe. Le dispositif, comme il fait intervenir des élèves, permet de couvrir tous les temps de vie du collège mais également, et c’est ce qui fait sa richesse, différents acteurs : professeurs, AED, infirmière et surtout des élèves… ce qui permet de créer un réseau de confiance et de liberté quand un enfant en difficulté souhaite parler à quelqu’un. Il peut alors choisir un adulte ou préférer un pair, et cela me semble très important. »
Evolution du dispositif
Après une première approche en 2015-2016, l’année suivante nous nous sommes rapidement fixé deux objectifs : renforcer l’équipe pour en faire un dispositif pérenne et stabiliser des procédures pour que le mode d’intervention des élèves soit efficace et populaire dans l’établissement.
Nous avons donc construit des outils communs au fil des besoins, avec la contribution de chacun, au cours de réunions fixées en dehors des cours pour que les parents puissent y participer.
Ont ainsi été produites des fiches-méthode, une fiche de signalement confidentiel à l’infirmière, un film de sensibilisation à l’occasion d’un concours.
Le projet a pris une nouvelle dimension début juillet 2017 puisque l’équipe a été enrichie d’une quarantaine de nouveaux élèves et de 5 nouveaux professeurs à l’occasion d’une formation de deux jours en dehors du collège.
Au cours de cette année 2017-2018, le dispositif se structure et se stabilise dans son fonctionnement du fait de l’arrivée de nombreux sentinelles et référents : les rôles sont répartis (film à réaliser, fiches de signalement à traiter, communication interne, interventions dans les écoles du secteur, etc.) et des temps d’analyse et de coordination des opérations ont été institués (les mardi et jeudi midi).
Nous partageons ici tous les documents réalisés par l’équipe pour rendre le dispositif opérationnel.