Le 8 janvier 2019

Par Cécile Rossard

A l’école, comme en EPS : aborder l’être humain comme une entité totale, et non pas divisé en compartiments

« L’école souffre des conséquences d’un système intellectualiste, issu du dualisme corps / esprit » (Rouyer, 2014).

« Or nul ne peut échapper à sa propre corporéité, qui incarne et s’incarne dans le geste, même le plus dérisoire, le plus anodin, le plus conventionnel… » (Corvel, 2016)

Ces définitions s’articulent bien avec la vision du Sgen-CFDT. Elles invitent à poursuivre les actions en ce sens, pour repenser l’école dans son ensemble. Le rôle de l’école est bien d’aider l’élève à s’épanouir dans toutes ses dimensions.

« Comment intégrer le corps, ne pouvant être exclu d’aucun processus d’apprentissage, d’aucun processus relationnel, au sein de l’espace scolaire ?

Comment le corps des élèves est-il perçu et accueilli dans les établissements ? Le bien-être relationnel a peu été pris en compte jusqu’ici, avec des espaces scolaires qui assujettissent plus qu’ils n’accueillent ».

Le Sgen-CFDT accorde toute son importance à la notion d’espace de travail. Différentes expérimentations travaillent sur ces questions et innovent sur ces nouveaux espaces scolaires.

Les auteurs interrogent aussi le caractère tabou du corps

EPS et corps à l'école - dossier de l'IFE« D’un côté un corps admiré, valorisé (sport, esthétique, alimentation…), mais de façon aseptisée. De l’autre, les réalités physiques des corps (sueurs, odeur…) impossibles à maîtriser, font figure de désordre et d’incontrôlé ».

« Le corps est contraint de se faire oublier à l’école, et ce, de façon croissante au fil des années (…) », en outre, le rejet de l’ordre disciplinaire des corps peut lourdement pénaliser les élèves rebelles.

Actuellement, « le corps ne doit pas vivre, il doit savoir vivre, apprendre à se tenir, et à se retenir » (Jacquet 2001)

Ces normes corporelles transparaissent dans chaque écrit sur l’EPS, et sur l’école en général. Le Sgen-CFDT pose ces questions de finalités, et du rôle que l’on veut faire jouer à l’EPS en ce momentUne EPS visant principalement la lutte contre l’obésité ? Une EPS visant à établir le vivier des clubs pour 2024 ? Une EPS qui entraîne, donne des méthodes pour pratiquer, tout seul, dans sa salle de sport ? Une EPS de la rencontre, de l’épanouissement, où ce sont les expériences vécues, qui inscrivent les corps dans l’unité de la personne et de ses relations ?

Le dossier spécifie ainsi que « l’EPS reste la seule discipline scolaire qui place explicitement les corps au coeur de son enseignement. » Mais ne vise -telle pas aussi à le maîtriser… ? »

« Aujourd’hui, le corps est évalué en fonction de sa performance dans le mouvement, de sa motricité efficiente. À l’inverse, le non mouvement tend à valoriser le corps sensation, l’écoute de soi ». Les auteurs invitent à voir une profonde unité entre mouvement et non mouvement, à ne pas les opposer ».

La suppression-réintégration du yoga dans les activités proposées au lycée, vient questionner cette unité (on peut toujours y faire référence, pas de souci, c’est le symbole qui est retiré). Le mieux, l’harmonie, le relâchement… on a encore du chemin à faire face au « plus », à la puissance, à la tension…

La notion de rapport au tactile est aussi envisagée dans la relation enseignant·e-enseigné·e, notamment en EPS

Des rapports d’évaluation montrent que la relation pédagogique engage nécessairement le rapport au corps, à la parole, au savoir. Canvel (2016) affirme que la médiation par le corps a un impact certain sur la relation entre climat et réussite scolaire. Mais ce rapport au corps est très peu explicité, bien qu’il ait pu être étudié en EPS notamment.

Visioli & Petiot (2018) présentent cinq formes de communication corporelle d’enseignant·es en EPS mises en évidence par Mahut et al. (2005) :

− les gestes spatio-indiciels (par exemple, désignation d’un geste de la main l’élève qui doit travailler) ;

− la catégorie gestuelle illustrative et substitutionnelle (par exemple, utilisation du corps pour se substituer à un dispositif matériel ou humain) ;

− la catégorie représentationnelle (par exemple, utilisation d’une partie du corps pour représenter l’action d’une autre partie du corps) ;

− la catégorie gestuelle manipulation (par exemple, lorsque le professeur entre en relation kinesthésique avec l’élève pour le placer) ;

− la catégorie des gestes symboliques (par exemple, les gestes conventionnels reconnus par la classe).

De leur côté Boizumault et Cogérino proposent une classification fonctionnelle qui répertorie l’ensemble des fonctions des touchers que l’on peut observer en EPS :

− une fonction technique : gestes relatifs à la transmission ou modification de techniques motrices et sportives ; gestes relatifs à la sécurité des élèves afin d’éviter les blessures ;

− une fonction relationnelle : gestes destinés à calmer, rassurer, apaiser l’élève.

− une fonction instrumentale : gestes de contrôle et d’organisation servant à disposer les élèves selon une situation et à générer des comportements adaptatifs lors d’une séquence ;

− une fonction déshumanisée : gestes routiniers et souvent automatisés destinés à gérer l’ensemble des élèves vers et sur le lieu de l’activité.

Boizumault et Cogérino (2015) concluent que les touchers semblent bien être des outils pédagogiques et didactiques utilisés pour une meilleure efficacité professionnelle tout en favorisant la gestion de classe et facilitant les apprentissages moteurs.

Pour le Sgen-CFDT, ce dossier soulève de nombreux axes de réflexion qui pourraient interroger les réflexions sur l’école, et les programmes, ainsi que la formation des enseignants d’EPS et au-delà.

N.B. toutes les références des citations sont listées dans le dossier de veille, aux pages 20 à 22.